Instinct de confiance
Pourquoi faisons-nous confiance à certaines personnes ? Pour être fréquente, cette attitude - à bien y réfléchir - n'en est pas moins surprenante. Accepter de croire à ce que dit autrui, sachant qu'il peut se tromper -intentionnellement ou non - qu'il peut déformer la vérité, mentir pour s’amuser, pour être agréable à son interlocuteur ou pour lui nuire. Sans doute serait-il impossible de vivre en se méfiant sans cesse des autres, en cherchant toujours des preuves de leur sincérité. Une telle attitude, très coûteuse en temps et en énergie, empêcherait tout lien social. Chacun apprend donc à évaluer le degré de confiance qu’il peut accorder à autrui.
Dans ce type d’échanges, les neurones miroirs interviennent sans doute ; ils nous permettent de nous mettre à la place d’un autre et, par conséquent, d’imaginer comment nous réagirions s’il nous trompait ou si nous-mêmes trahissions sa confiance. Or une hormone, l’ocytocine, connue pour participer au déclenchement des contractions utérines lors de l’accouchement, semble favoriser la confiance, indispensable aux relations sociales. La confiance est aussi un pilier de l’attachement ; elle aurait été sélectionnée au cours de l’évolution, notamment car le petit homme est très long à acquérir son indépendance.
La confiance suppose la sincérité. L’étude des oiseaux nous apprend que la sincérité n’est pas le propre de l’homme. Les bruants, par exemple, ne trichent pas. Ainsi ils transmettent par leurs vocalises des informations sur leur condition physique, et les femelles ne s’y trompent pas. Pourquoi choisissent-elles les mâles dont le répertoire est le plus étendu ? Parce qu’elles " savent" que les mâles capables d’émettre le plus de chants sont aussi ceux qui vivent le plus longtemps et qui réussissent à élever le plus de petits. Dès lors, pourquoi tous les mâles ne cherchent-ils pas à produire le plus de chants possibles, à exagérer leurs compétences ? Parce que si les chants ne reflétaient pas les qualités réelles des mâles, les femelles finiraient par les ignorer. Il n’existerait plus de système de communication fiable: la survie du groupe serait menacée. (…)
La confiance joue un rôle essentiel dans les relations personnelles et sociales ainsi que dans les comportements économiques et politiques. La trahir peut avoir de lourdes conséquences. Sur le plan personnel, car la confiance trahie ne se restaure pas. Sur le plan économique : par exemple, prédire une baisse des cours de certaines actions déclenche inévitablement leur chute, que cette annonce soit fondée ou non. Sur le plan politique aussi : les exemples abondent de personnalités politiques désavouées parce qu’elles avaient perdu la confiance du peuple. La confiance est fragile. Mais selon Gaston Bachelard : "L’oiseau construirait-il son nid s’il n’avait son instinct de confiance au monde ?"
Un petit texte, signé Françoise PETRY, qui figurait en éditorial du magazine "Pour la science" du mois d’août, qui je trouve, donne des pistes de réflexion intéressantes…
Du discours amoureux en kit qui finit par faire préférer ceux qui se taisent, au vide insondable du discours politique des ectoplasmes qui nous gouvernent, en passant par le discours commercial du chef d’entreprise qui recrute en faisant miroiter une collaboration équilibrée avant d’expliquer que "pour recevoir il faut donner" (pas dur de deviner qui doit donner d’abord avant d’espérer recevoir), le manque de confiance rend creux, rend vide de sens. Et l’être humain peut se gaver de rêves, de plaisirs faciles et immédiats, vient toujours un moment où le manque de réel, où le manque de sens le rattrape. Et un système qui tourne à vide a tendance à s’auto-détruire...