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22 septembre 2006

Quelle est la danse ?

« Plus le geste est lent, plus les sentiments qu’il exprime son intenses, profonds. »

En général, le tango se danse sur des musiques lentes où les notes s’étirent lentement pour accélérer et culminer sur un accent tonique fort. Vice-versa d’ailleurs. Comme le mouvement de la lanière du fouet, comme une gifle.

Le tango est aussi la seule danse sociale, à ma connaissance, où l’on peut faire des arrêts durant l’exécution. Encore ici, l’intention dramatique se décuple à cause du temps. En fait il faut, pour que la danse soit et vive, non pas qu’il y ait des arrêts, mais plutôt des suspensions.

L’intention doit constamment être présente sinon la danse meurt.

On peut être stationnaire, mais empli d’un sentiment, d’une intention, d’une énergie.

Ces notes qui partent doucement, s’étirent lentement puis s’accélèrent pour culminer sur un accent tonique, fort, imposent le geste, imposent cette suspension dramatique, donnent au tango sa couleur.

Une autre caractéristique du tango : les danseurs ne sont pas assujettis au rythme, mais ils peuvent selon leur bon plaisir et leur talent, interpréter la musique. Les pas et les figures vont dans tous les sens. Les danseurs se déplacent comme des gens qui cherchent. Ils peuvent à loisir se laisser emporter par le bandonéon, le piano, le violon ou tout autre instrument. Passer de l’un à l’autre, revenir à l’un d’eux. De ce fait, le tango devient très expressif. Il offre aux pratiquants la liberté des nuances qu’ils désirent exprimer. Ainsi, selon qu’ils soient joyeux, tristes, fiers, gênés, arrogants, les danseurs n’interpréteront pas la même pièce musicale.

Les Espagnols ont fortement teinté la gestuelle en laissant des traces d’attitudes tauromachiques chez le danseur.

L’attaquant avance, l’attaquée recule. Dans le style milonguero, le haut du corps des belligérants amoureux se touchent, laissant les hanches libres pour le mouvement. L’attaque ou la fuite. Cette danse devint une suite ininterrompue de jambettes, de crocs-en-jambe simulées (sacadas), de coups de talon pour se défendre (ganchos) mais exécutés pour ne pas blesser, de prises de pieds de l’attaqué par les pieds de l’attaquant pour immobiliser l’autre (barridas, enrosques). On essayait de déstabiliser l’adversaire en arrêtant brusquement un ocho (voléo). On neutralisait une attaque possible en provoquant un 4 forcé (gancho ciseau) L’autre esquivait ces attaques ou reprenait son équilibre par les tours (giros), empêchait l’autre de l’attaquer aux pieds en croisant le gauche devant le droit (pas de base de la fille). Attaque, esquive, ruse, surprise c’est le sens premier du tango.

C’est ce qui donne son caractère violent, viril, macho au tango : combat de corps à corps. Ce côté combat est accentué lorsque les danseurs s’exécutent front à front. Comme deux antilopes, deux taureaux se faisant face.

Le couple dansant représente le yin et le yang du tout. L’homme, le yang, est celui qui pense : mener la danse dans le trafic, choix des pas, comment guider la partenaire, sur quel pied exécuter la figure, etc. Bref, élaborer une stratégie pour se déplacer sur la piste tout en paraissant bien face à sa partenaire et à la galerie. C’est le côté rationnel. Pour sa part, la femme est toute intuition, abandon dans son rôle, écoute, disponibilité. C’est le côté émotionnel, irrationnel.

Or l’homme-toréador affronte un taureau (une femme qui représente son désir) c’est-à-dire une entité vivante, monstrueuse, noire, primitive, indomptée et d’une puissance vertigineuse. Une entité, comme dirait le psychanalyste C.G. Jung, faisant partie de l’ombre, du côté obscur et ténébreux de l’être où se cache amoralité et démons. Dans l’astrologie occidentale, le taureau est charnel et sensuel.

L’homme-toréro dansant avec la femmme-taureau doit donc livrer un combat contre ses sens. Il doit éprouver sa force de caractère, sa volonté face au désir. Il doit dominer ses émotions pour sortir vainqueur du combat et domestiquer, apprivoiser la femme-désir-taureau. En un mot, il doit séduire.

L’extrême douleur s’exprime comme l’extrême volupté : le combat ressemble à la conquête d’un cœur. Il ne faut pas dévoiler trop vite son jeu, on peut perdre la face, ou ce que l’on convoite. Minauderies, flatteries pour désarmer l’autre, le rendre vulnérable, lui faire perdre ses défenses pour mieux l’amadouer, le soumettre. Esquive pour ne pas se montrer trop disponible, manifester son intérêt. Il faut que l’autre nous gagne, ne pas être une proie facile.

On dit que le tango nous vient des Noirs argentins qui dansaient le candombé, lequel s’est mué en milonga, et la milonga a donné le tango. Cependant, le tango, même s’il a pris la base de sa forme à la milonga, a perdu complètement la négritude de sa mère. La milonga, qui existe toujours d’ailleurs, l’a toute conservée cependant. Danse joyeuse, folle, emplie de soleil africain, dans laquelle on peut dodeliner du torse, se dandiner.

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